• Par une belle après-midi ensoleillée ; Polly

Polly avait quitté la villa seule cet après-midi, bien décidée à partir à la découverte de la ville, abandonnant Chloe à la bouteille et Betty aux garçons, pour changer. Polly aussi se sentait d'humeur aguicheuse, c'est pourquoi elle revêtit sa robe la plus courte et la plus moulante. Elle avait quitté Coast Village déterminée à trouver un endroit où s'installer pour observer la foule, et elle finit par trouver le Goldfish Cafe. La déco criarde - plus tard, on appellerait ça Retro - la réjouit. Tout ce qu'elle aimait! Du cuir, du rose.. Y'avait même un jukebox dans un coin. Et bien sûr, à boire, à manger et à dévorer du regard. Etait-elle arrivée au paradis ?

Polly alla s'attabler sur l'une des banquettes en cuir, et attendit avec patience que l'on vienne s'occuper de son service. Elle attendait depuis quelques minutes, quand elle sentit une présence au-dessus d'elle. Sûrement un beau garçon qui voulait discuter avec elle, pensait Polly. « Excusez moi ? Je peux m'asseoir ? Toutes les autres tables sont complètes ... » La voix aigüe lui indiqua clairement qu'elle avait fait erreur. La jeune femme soupira, et tourna la tête vers l'inconnue qui souhaitait se joindre à elle. Déçue, elle ne prononça pas un mot mais lui fit signe de s'asseoir. Elles s'observèrent silencieusement, jusqu'à ce que Polly se décide à briser le silence. « Moi c'est Polly. Poppy Pepper-Bell. » articula-t-elle sur un ton qui se voulait amical, mais qui ne parvenait pas à masquer sa contrariété. Être dérangée en pleine phase d'observation, ce n'est pas quelque chose que Pepper-Bell pardonne facilement, vous savez; à vrai dire, il n'y a rien qu'elle pardonne avec aisance, et c'est toujours avec difficulté que vous obtiendrez sa miséricorde.
Polly commença à jouer avec une mèche de ses cheveux : l'ennui arrivait.

Si seulement elle avait su. Si Polly avait su qu'en venant ici, elle serait obligée de taper la causette à cette inconnue... Elle ne serait tout simplement pas venue. C'était une réaction exagérée, certes. Mais naturelle pour Polly. A la longue, on s'y fait. Agacée, elle jouait nerveusement avec la petite cuillère qui baignait dans son café. Elle n'écoutait que d'une oreille les paroles de son inconnue de voisine. « Contente de te connaitre. Moi c'est Margaret Cole. Mais on m'appelle souvent Marge. » Polly hocha la tête en marmonnant quelque chose qui semblait assez proche du « Ok, enchantée. » . Pourtant, elle était tout, sauf enchantée, et comptait bien le faire savoir à cette gêneuse (appelons un chat un chat).
Un long silence s'installa, auquel Polly n'était pas prête à palier. Si cette fille voulait discuter, libre à elle. Mais ce ne serait pas elle qui lancerait la conversation. Polly apporta sa tasse à ses lèvres, avala une gorgée de café chaud - et sucré, ne jamais oublier le sucre - avant de reporter son attention sur la salle. Elle ne connaissait personne. Strictement personne. A moins que l'on compte Margaret parmi ses connaissances ?
Apparemment, ce mutisme déplaisait à son interlocutrice, qui semblait réclamer une conversation.
« Tu connais bien ce café ? Qu'est ce que tu me conseillerais ? Oh ... Je peux dire tu ? » Polly haussa un sourcil, se demanda quel âge pouvait avoir cette fille très polie, voire coincée.
« Ben... oui tu peux. Je veux dire, j'ai pas soixante-dix ans non plus. » déclara-t-elle à l'intention de Margaret, jouant toujours avec sa cuillère. « Je suis pas d'ici, en fait... Je suis en vacances. Alors non, je peux pas t'aider. » Et elle se rembrunit sans demander son reste. Comme un nuage devant le soleil, Margaret avait réussi à rendre cette journée maussade. La pauvre...

Polly laissa son interlocutrice parler, parler, encore parler. Elle avait l'air bavarde. Polly aussi était bavarde, mais pas quand on la dérangeait dans ses occupations. Oh, elle aurait bien fait la causette avec n'importe qui : tout le monde, sauf cette inconnue. Pourtant, il n'y avait aucune raison à ça, et si ce n'avait pas été Margaret, ç'aurait été n'importe qui l'aurait abordée. Elle commanda un jus d'orange, sous les yeux impassibles de Polly : jusqu'à ce qu'ils croisent ceux du serveur. Là, elle se fit toute souriante, et tripota bêtement une mèche de cheveux. Une voix vint la sortir de ses mimiques ridicules. « Alors comme ça toi aussi t'es en vacances ici. La Jolla c'est plutôt cool comme endroit pour profiter du soleil et de la plage avec les amis ! »

Polly hocha la tête, et prit elle aussi la parole. « Eh oui, je suis ici en vacances. Ca m'a l'air... évident. » Un sourire ironique se dessina sur ses lèvres, tandis qu'elle détournait encore une fois les yeux, et bailla avec insistance. Margaret parla du soleil et de la plage. Polly fit un mouvement de sourcils surpris. Pour elle, il manquait quelques éléments essentiels. « Et les fêtes, et les mecs... Tu n'y as pas pensé tout de suite ? Surprenant... » Lança-t-elle avec un léger mépris, tandis qu'elle tournait la tête vers le reste de la salle, qu'elle détailla. Son visage se para d'un air carnassier, elle était en forme. Polly se retourna encore une fois vers Margaret.

« Tu es venue là toute seule, non ? » Sous-entendu, "tu ne pourrais jamais être là avec un copain, et des amis... Comment te supporteraient-ils ?" Mais évidemment, elle n'alla pas jusque là, et attendit une quelconque réponse, et se sentait de plus en plus en forme. Elle avala une gorgée de café avant de reporter son attention sur Margaret. Peut-être était-elle trop méchante. Peut-être n'était-ce absolument pas mérité. Peut-être auraient-elles pu êtres amies. Mais ce n'était pas - absolument pas - l'humeur du jour.