Elle est belle ta voiture [CALEB]

Ce matin la, il faisait beau. Ce matin la, je dormais bien. Ce matin la, cette chieuse de Rosann avait décider de venir me réveiller violemment. En effet, cette dernière était tout simplement entrée dans ma chambre en criant et elle s'était jetée sur mon mon lit comme on jetterai par terre quelque chose qui nous énerve. Après un an sans elle - et tous les autres en fait - je la retrouvai enfin, elle, ses qualités et ses défauts. Dire qu'il y a un an nous avions pleins de projets, nous voulions vivre ensemble, refaire le monde ensemble. Mais l'université nous aura séparés. C'est pour ca que je comptais profiter de ces vacances. Pour me reposer de mon année passée à l'université - je ne sais pas pourquoi j'ai décidé de faire des études, ce n'est pas mon truc - faire la fête et profiter de mes amis. Le programme des journées était simple : plage, plage et le soir fête. Une routine qui ne me déplaisait pas.
Ce soir la, nous avions prévus d'aller au Popcorn drive-in, je n'étais jamais allée dans ce genre d'endroits, mais cela avait l'air sympa. Un film, des voitures et du popcorn. Simple, mais efficace pour passer une bonne soirée. Enlèves ta jambe de la Margaret ! Commence pas Tim, c'est bon, elle te dérange pas ma jambe ! Ba si, un peu. Mais t'as de la chance, aujourd'hui c'est mon jour de gentillesse. J'ai faim. Il me regarda alors, et je comprit tout de suite, je savais comment il était et je savait que je devrai me résigner à aller lui chercher quelque chose à manger si je ne voulais pas qu'il me harcèle durant tout le film et donc me gâche ma soirée. Je me levais donc et sortie de la voiture ou nous étions entassés à six. J'en profitait pour respirer et profiter d'un peu d'air. Je me suis dirigée vers le stand de bonbons/popcorn et je prit trois grands paquets de popcorn, avec ça nous devrions bien tenir jusqu'à la fin du film. Je remerciai le vendeur et repartie à la recherche de la voiture dans l'obscurité. Tiens espèce de goinfre. Surtout me dit pas merci. Mais je te préviens c'est la première et la dernière fois que je me déplace pour toi ! Il y eu un moment de silence, et je remarquai que la personne à qui j'avais parlé comme ça n'était pas mon ami Tim, mais un charmant jeune homme. Il était seul dans sa voiture, et je me sentais alors extrêmement bête de constater que cette voiture n'était pas la voiture de mes amis. J'attendais une réaction de sa part espérant qu'il ne me prenne pas pour une folle.

J'étais arrivé à La Jolla, Californie, depuis quelques jours et j'avais bouleversé quelques habitudes. Etudiant habitant toujours chez l'autorité supérieure, j'étais soumis à quelques règles qui, malgré tous mes efforts, n'étaient absolument pas négociables ; se lever au beau milieu de la journée, par exemple, était un fait jugé intolérable dans la famille du docteur Hansen, et c'était avec plaisir que j'avais passé mes deux premières journées de vacances en solitaire enfermé dans ma chambre d'hôtel, à ne m'éveiller que pour prendre une douche et commander quelques repas. Pourtant, ce matin-là, je fus lassé de mon petit manège. J'avais toujours été quelqu'un de plus ou moins actif et, en me levant, j'avais eu besoin de bouger, de voir à quoi ressemblait les lieux, peut-être même repérer quelques têtes, des gens avec qui je pourrais sympathiser. Ma journée avait alors défilée à une vitesse folle ; je l'avais passée entre la plage - où j'avais pris la résolution de me procurer une planche afin de vérifier si je n'avais pas tout oublier du surf en une année - et la glacerie où je m'étais goinfré comme jamais - à croire que l'air californien m'ouvrait l'appétit. En fin d'après-midi, j'avais regagné l'hôtel où je logeais, étais passé devant le cinéma en plein air et c'était cette destination que j'arrêtai pour ma sortie du soir. J'avais rapidement pris une douche, échangé mes vêtements salés par l'humidité du bord de mer avec un jean banal et un tee-shirt bleu pâle, et j'avais quitté la chambre.
J'étais arrivé un peu avant le début du film, le Drive in ne se situant pas bien loin de mon hôtel et j'avais, par conséquent, quelques minutes devant moi pour passer par le stand de bonbons et de pop-corn et m'en faire une réserve pour que je n'aie pas à manquer un passage du film. Je n'étais pas particulièrement passionné par le cinéma - je préférais de loin la littérature et la musique qui demandaient un effort d'imagination - mais s'il était bien quelque chose que j'abhorrais, c'était de commencer un film et de ne pouvoir en voir la fin, ou même d'en louper quelques courtes minutes. J'étais donc occupé à chercher mon portefeuille nonchalamment balancé sur le siège arrière, lorsque j'entendis la portière du passager avant s'ouvrir et se refermer avec véhémence. Mon premier réflexe fut de plisser les yeux, surpris de l'intrusion, et je me retournai ensuite sur une jeune femme blonde, munie de trois gros sachets de popcorn, qui ouvrait la bouche afin de s'exprimer. « Tiens espèce de goinfre. Surtout me dit pas merci. Mais je te préviens c'est la première et la dernière fois que je me déplace pour toi ! » Je compris immédiatement qu'elle s'était trompée de voiture en s'immisçant dans la mienne - elle aussi comprit, vu le regard qu'elle me jetait à présent. Conscient qu'elle risquait d'être fort mal à l'aise, je me redressai sur mon siège, décidai de prendre les choses en main. « Eh bien, merci de t'être déplacée pour moi... » commençai-je tandis qu'un sourire en coin prenait naissance sur mes lèvres. J'avais beaucoup de mal à garder mon sérieux ; d'ailleurs, je ris franchement lorsqu'elle sembla se dérider un peu. « C'est un rêve qui se réalise : une inconnue qui m'apporte à manger. » J'espérais qu'elle ne se sentait pas trop mal à l'aise, lui lançai un nouveau sourire.