Un crumble à la pomme siouplait ! [PV Abel]

Plus le type me parlait, plus j'en avais ras le cul. Je le regardais pendant son monologue interminable qui vantant tant bien que mal les bienfaits de son parfum, il avait la bouche tordue et les yeux brillants d'excitation, il devait vraiment y croire à son baratin, pour pouvoir parler avec une telle aisance d'un produit qui ne servait au final qu'à parfumer et rendre les choses plus douces. Et pourtant non, son produit rendait selon lui beaucoup plus attirant, au point d'en être irrésistible d'un coup de pschitt. J'en gloussais intérieurement mais je décidais de ne laisser paraitre sur mon visage qu'un sourire démoniaque, qui montrait en partie mon intention meurtrière du moment. Mais non je n'allais pas le tuer, je n'étais pas un tueur hein, malgré mon passé un peu embrumé d'une flaque de sang. Bref. Je m'avançais un poil vers lui en gardant mon sourire figé sur mon visage. Dans mes yeux devait luire une lumière intense et profondément haineuse.

- Tu vas fermer ta gueule tout de suite, si tu veux pas que je te crèves. Okay ?

Il ferma la bouche comme je lui avait ordonné. Il me regarda d'un air surpris et leva la main en signe d'excuse. Je m'avançais brusquement vers lui avant de bifurquer en entier sur sa droite. Je m'étais enfin débarrassé de lui, mieux valait prendre la poudre d'escampette avant qu'il aille me balancer à un de ces gros flics pleins de graisse. Ceux là n'avaient rien à voir avec les flics de Santa Fe, ils étaient trop habitués au calme de cette ville idyllique qui n'accueillait en fait les trois quarts de ses habitants en été, le reste du temps ce lieu devait être vide et encore plus calme que d'habitude. Je n'avais distingué durant mes balades pas un seul appartement délabré, la plupart du temps je tombais sur des maisons voir des villas luxueuses, habitées par des gens de tout âge qui avaient pourtant tous le même point commun; celui d'être riche comme un roi. Enfin c'était mon avis, je pensais d'ailleurs que mon père si il gagnait son argent légalement, aurait adoré cette ville comme lieu de retraite. Mais non, là encore le bat blessait, mon père était à fond dans un délire de mafia tandis que je n'avais pas assez d'argent pour payer décemment le loyer de mon petit studio glauque à Santa Fe.

Je marchais encore quelques minutes avant d'apercevoir l'enseigne lumineuse et joyeuse du Goldfigh Cafe. J'avais faim et soif, ça tombait donc parfaitement sous le sens. Je m'avançais et entrais tranquillement dans le bar. Je faisais un signe de main au gérant, qui commençait comme de par hasard à me connaitre, tant ce lieu était pour moi un refuge pour méditer quand ma chambre me dégoutait. J'allais m'asseoir sur un petit canapé deux places et commandais un chocolat chaud et une tarte au citron. Je m'accoudais sur le bord du canapé et observais par la fenêtre les nombreux allers et venues au dehors. Beaucoup de jolies filles, de types musclés et bronzés, pas mal de voitures hors de prix, et surtout pas une seule moto.

J’étais arrivée depuis environ une semaine, et je n’étais pas encore allée au Goldfish Cafe. Sacrilège, m’avait-on dit. Ce petit restau’ était très prisé des vacanciers. Enfin, des vacanciers habitués. Ceux qui venaient passer chaque été ici, et ce depuis plusieurs années. Ils se connaissaient tous, de près ou de loin, et adoraient suivre les potins qui circulaient à chaque année. J’étais nouvelle dans cet environnement, mais ce n’était pas pour me déplaire. La plupart étaient très accueillants. D’après moi, ils voyaient surtout les nouveaux arrivants comme un moyen de pimenter leurs histoires déjà compliquées. C’était la jeunesse décadente, ici. Le soleil, les potes, l’alcool. Les jolies filles et les voitures. Un milkshake sous le parasol. La vie rêvée, en fait. Inutile de dire que j’adorais l’ambiance festive. Chaque jour était sans prise de tête, sans problèmes. Le but ultime était de se faire plaisir, le plus grand stress était de choisir la fête à laquelle on voulait aller, avant de se dire qu’on irait à toutes, à tour de rôle.

« Ronnie ! » Elle ne m’appelait jamais Parr. Pas assez chic à son goût, probablement. « Tu DOIS goûter leurs desserts. Ils sont simplement divins ! »

Sheïla m’entraînait par le coude, en me vantant toutes les pâtisseries, allant même jusqu’à les décrire. Autour de nous, les autres filles acquiesçaient et y allaient de leur petit commentaire. Je suis venue avec Robert, une fois. Il m’avait fait goûter à sa mousse au chocolat. Absolument délicieuse, encore plus que lui ! Et ce n’est pas peu dire !
On ne peut pas être parfait… Je levai les yeux au ciel. Bien entendu. Comparer un mec à d’la mousse au chocolat… Tout à fait. Enfin, on vient de ce monde là, on y échappe pas hein. Bref.
Nous entrâmes dans l’établissement, dont les banquettes m’attaquèrent immédiatement les yeux. Rose bonbon. Aouch.

« Ils ont des milkshake à la fraise !
- Évidemment, qu’est-ce que tu crois ? »

J’adorais déjà cet endroit. Je m’empressai d’en demander un. Mon péché mignon. Je ne peux tout simplement pas résister aux milkshakes, surtout ceux à la fraise. C’est le Paradis dans un verre. Lorsque je l’eu en main, je le touillai à l’aide de la paille, avant de l’observer minutieusement. Ils en avaient, encore fallait-il qu’il soit buvable…
Et il l’était !

« Un crumble à la pomme, s’il-vous-plaît ! Ronnie, tu DOIS y goûter. »

Je devais décidément faire beaucoup de choses, cette journée-là…

« Merci. Ronnie, ouvre ! »

Elle tendit sa fourchette vers moi. Puisqu’elle était de l’autre côté de la table, je dus me redresser pour pouvoir prendre la bouchée qu’elle me présentait. Et, oui, il était super, ce crumble. Moi qui ne suis pas une grande amatrice de pommes, je devais bien avouer qu’il était effectivement divin. Quoique je préférais mon milkshake. Je parcourus le café du regard, curieuse de voir qui y traînait à cette heure. Une connaissance, peut-être. Ce faisant, je croisai le regard d’un type assis sur un canapé. Au lieu de détourner les yeux, je lui souris. J’étais en vacances, pourquoi faire comme à la ville ?